définitions
accoutumer (v. trans.)
1.donner l'habitude de, familiariser avec.
accoutumer (v. intr. pron.)
1.devenir physiquement ou mentalement habitué à.
Le Littré (1880)
ACCOUTUMER [a-kou-tu-mé]
1. V. a. Faire prendre une coutume. Vous avez accoutumé votre fils à ne point vous cacher ses secrets. Accoutumer un taureau à la charrue. Accoutumer un État libre à la servitude.
• Il accoutuma ses troupes à.... La bonne éducation des enfants qu'on accoutumait à l'obéissance, au travail, à la sobriété, à l'amour des arts ou des lettres (FÉN. Tél. II)
• Accoutumez vos peuples à suivre inviolablement les règles (FÉN. ib. III)
• D'autres peuples, profitant de votre imprudence, attirent chez eux les étrangers et les accoutument à se passer de vous (FÉN. ib.)
• Il trouve moyen de nous apaiser, de nous accoutumer insensiblement au discours de sa passion (MOL. Préc. Rid. 5)
• Et l'indigne prison où je suis renfermé, A la voir de plus près m'a même accoutumé (RAC. Baj. II, 6)
• La main qui vous opprime et que vous soutenez, Les accoutume au joug que vous leur destinez (CORN. Sert. III, 2)
2. Avoir accoutumé, v. n. (Usité seulement aux temps composés : j'ai accoutumé, j'aurai accoutumé, que j'aie accoutumé, que j'eusse accoutumé ; il veut, avec un infinitif, la préposition de) Avoir coutume.
• Il cite ce passage selon les Septante, comme il avait accoutumé (BOSSUET Hist. II, 7)
• Les hommes n'ayant pas accoutumé de former le mérite (PASC. Rel. 51)
• Je n'ai point accoutumé de dissimuler mes défauts (CORN. Ex. d'Hor.)
• La colère du roi, comme dit Salomon, Est terrible, et surtout celle du roi lion ; Mais ce cerf n'avait pas accoutumé de lire (LA FONT. Fab. VIII, 14)
• Allez, monsieur, on voit bien que vous n'avez pas accoutumé de parler à des visages (MOL. Mal. im. III, 6)
• Comme les rois, par grandeur et par dignité, ont accoutumé de traiter leurs grandes affaires par l'entremise de leurs ministres (FLÉCH. Panég. I, 279)
• Ils sont accablés d'un fardeau qu'ils n'ont pas accoutumé de porter (FLÉCH. ib. II, 354)
• Quelles précautions n'avait-il pas accoutumé de prendre ! (FLÉCH. Letell.)
• Je ne sais ; mais vous n'avez pas accoutumé d'être ainsi (BRUEYS le Muet, III, 2)
• Les animaux qui ont accoutumé de ne sortir que pendant la nuit (FÉN. Tél. XVIII)
• Thalès avait accoutumé de remercier les dieux de trois choses : d'être né raisonnable plutôt que bête ; homme plutôt que femme ; grec plutôt que barbare (FÉN. Philosoph. Thalès.)
• L'ambition dont il était dévoré se trouvant jointe à une vanité excessive, il prit le chemin qu'ont accoutumé de tenir ceux qui affectent la tyrannie (VERTOT Rév. rom. VII, 217)
• L'avocat ou conseil qu'on avait accoutumé de donner aux accusés (VOLT. L. XV, chap. 42)
• Une terre sur laquelle nous avions accoutumé de lever le cens (MONTESQ. Esprit, XXX, 15)
• Les vierges avaient accoutumé de laver leurs robes d'écorce dans ce lieu (CHATEAUB. Atala, 235)
En ce sens, accoutumer prend aussi pour sujet un nom de chose.
• La connaissance des premiers principes n'a pas accoutumé d'être appelée science (DESC. Rép. 2)
• Mes lettres n'avaient pas accoutumé de se suivre de si près ni d'être si étendues (PASC. Prov. 16)
Construit ordinairement avec l'auxiliaire avoir, il peut prendre aussi l'auxiliaire être :
• On est accoutumé de se laisser aller au péché par les caresses des femmes (PASC. Prov. 15)
• Le soin qu'on eut de garnir la salle d'une foule de docteurs, moines et mendiants, qui n'étaient pas accoutumés de s'y trouver, fit dire à Pascal.... (VOLT. L. XIV, chap. 37)
• Cette solitude, il [le duc d'Orléans] était trop accoutumé du bruit pour la pouvoir supporter (SAINT-SIMON 326, 19)
Des grammairiens ont signalé comme une locution vicieuse l'emploi de l'auxiliaire être ; on voit que de très bons auteurs s'en sont servis, et il ne peut y avoir aucun scrupule à s'en servir aussi après eux.
On remarquera que, neutre, ce verbe n'est employé qu'aux temps composés ; mais il n'en faut pas conclure qu'il ne soit pas verbe neutre ; l'emploi que nous en faisons de cette manière n'est qu'un débris de l'ancien usage, suivant lequel accoutumer pouvait être neutre aux temps simples comme aux temps composés (voy.
HISTORIQUE).
S'ACCOUTUMER, v. réfl. Contracter une habitude. S'accoutumer aux armes. Il s'était accoutumé à se contenter de peu.
• Une volonté indocile qui ne peut s'accoutumer au joug (BOURD. Pensées, t. II, p. 74)
• Ses yeux même pourront s'accoutumer aux miens (RAC. Bérén. III, 2)
• Ah ! ma soeur, puisqu'enfin mon destin éclairci Veut que je m'accoutume à vous nommer ainsi.... (CORN. Hér. III, 1)
• Bientôt on s'accoutume à des maîtres nouveaux (VOLT. Irène, v, 6)
• Descends du haut des cieux, auguste vérité, Que l'oreille des rois s'accoutume à t'entendre (VOLT. Henr. I)
• Comment avez-vous pu vous accoutumer au secret dans une si grande jeunesse ? (FÉN. Tél. III)
• Ils deviendraient comme un homme qui a de bonnes jambes et qui, perdant l'habitude de marcher, s'accoutume enfin au besoin d'être toujours porté comme un malade (FÉN. ib. VIII)
• Mais du nom des Césars Rome toujours charmée, Sous un si noble joug s'est trop accoutumée (M. de Néron V, 1)
S'accoutumer veut d'ordinaire à avec l'infinitif ; mais on dit aussi de.
• On s'accoutume de donner, comme le monde, à toutes les passions, des noms adoucis (MASS. Conf. Fuite du monde.)
• Il vous importe de vous accoutumer de bonne heure de haïr l'injustice (VOIT. Lett. 9)
S'accoutumer avec. Il a eu beaucoup de peine à s'accoutumer avec ce voisin que le hasard lui a donné. Il faut s'accoutumer de bonne heure avec ces sortes d'idées, si l'on veut se les rendre familières.
SYNONYME
S'ACCOUTUMER à, S'ACCOUTUMER AVEC. On emploiera de préférence avec, quand s'accoutumer s'approchera du sens de se familiariser. On s'accoutume avec quelqu'un, quand on se fait à ses manières. S'accoutumer avec le péril, c'est devenir familier avec le péril et en faire une sorte de connaissance ; s'accoutumer au péril, c'est, y étant souvent exposé, le considérer comme une chose habituelle et qui ne surprend plus. S'accoutumer avec exprime donc quelque chose de plus intime, de plus étroit.
HISTORIQUE
XIIIe s.— En leur terres n'est il mie accoustumé que il le facent (VILLEH. 94)— Il apartient au bailli savoir quix avocas acoustument à pledier par devant lui (BEAUMANOIR V, 19)— Nous n'avons pas accoustumé que homs de poesté face procureur (BEAUMANOIR ib. 86)— Li tiers ensoines si est, s'il est acoustumés de maladie qui vient soudainement (BEAUMANOIR LXI, 6)— Si vous prie je pour l'amour de Dieu premier et pour l'amour de moi, que vous les acoustumez à laver [les pieds aux pauvres le jeudi saint] (JOINV. 195)
XIVe s.— Il prouva son entencion par le commun parler acoustumé (ORESME Eth. 28)— Nulle chose ne se peut acoustumer au contraire de ce qu'elle a de nature (ORESME ib. 33)
XVe s.— Si alla en Jherusalem au pelerinage du saint Sepulcre, qu'il visita très devotement, et aussi fut par tous les saints lieux accoustumés (Bouc. I, 15)— C'est chose assez accoustumée que.... (COMM. Prol.)— Car ainsi estoit-il accoustumé de parler (COMM. I, 3)— Les Suisses ont tant acoustumé l'argent dont ils avoient petite connoissance par avant, que.... (COMM. VI, 4)
XVIe s.— Les cerimonies qu'on avoit accoustumé en telles choses (MONT. I, 17)— J'ai accoustumé de considerer (MONT. I, 58)— Pratiquons le, accoustumons le [accoutumons-nous-y] (MONT. I, 76)— Accoustumer les hommes à.... (MONT. I, 80)— S'accoustumer à vivre d'araignées (MONT. I, 106)— Sa femme, le bienveignant de ses criailleries accoustumées (MONT. III, 127)— Ils n'estoient pas accoustumez de prendre en bonne part les remontrances de gents armez (MONT. IV, 21)— La jument accoustumera l'asnon [s'habituera à le nourrir] (O. DE SERRES 311)— Numa vouloit accoustumer ses gens à ne servir ni ne parler point aux dieux en passant (AMYOT Numa, 25)— Les maux qui ont accoustumé de travailler les hommes (AMYOT ib. 32)— La chambre où ils avoient accoustumé de coucher estoit au plus haut estage (AMYOT Pél. 65)— Tu es tout accoustumé à.... là où, quant à moi, je n'ai point accoustumé de.... (AMYOT Cat. 18)— Il s'acoustuma à estre toujours le premier à l'aller et le dernier à retourner (AMYOT Phil. 5)— Accoustumez de rejeter (LANOUE 44)
ÉTYMOLOGIE
À et coutume ; bourguig. écoutumé ; provenç. acostumar ; espagn. acostumbrar ; ital. accostumare.