Le Littré (1880)
AGUETS (s. m. plur.)[a-ghè]
1. Embuscade. Être aux aguets, se tenir aux aguets, épier pour surprendre ou pour éviter d'être surpris.
• Elles sont souvent aux aguets et aux embûches (BALZ. 4e disc. sur la Cour.)
• Notre cagot s'était mis aux aguets (LA FONT. Herm.)
• Que l'innocent ne tombe aux aguets du méchant (RÉGNIER Sat. II)
2. Au sing.
• Quand l'aguet d'un pirate arrêta leur voyage (MALH. I, 4)
3. D'aguet, loc. adv.
• Je me tapis d'aguet derrière une muraille (RÉGNIER Sat. XI)
• .... le laissant d'aguet, j'eusse pu faire gile (RÉGNIER Sat. VIII)
• Je passe outre d'aguet sans en faire semblant (RÉGNIER Sat. X.)
• Feignant de m'en aller, d'aguet je me retourne (RÉGNIER Sat. XIII)
REMARQUE
L'Académie ne donne aguets que dans les locutions comme : se tenir aux aguets, être aux aguets, mettre aux aguets ; mais on pourrait le dégager de cette chaîne et le remettre dans la circulation, non-seulement au pluriel, mais aussi, comme Malherbe, au singulier, et dire les aguets de la fraude, l'aguet avait été dressé.
HISTORIQUE
XIIe s.— Lors chevalchierent droitement à Soissons, Lor agait metent dedens un val parfunt (Raoul de C. 230)
XIIIe s.— Dont se parti par nuit de Constantinoble à grant plenté de son ost, et se mist en un aguet où cil devoient venir (VILLEH. XCIX.)— Quant Salehedin vit que sa premiere esciele se desconfissoit, si en fu moult coureciés et manda son aguait qu'il avoit repus [caché], et se ferirent tout à un es os [dans les camps] (Chr. de Rains. 26)— Qu'il ne face riens, ne ne die Qui ja puist aguet resembler (la Rose, 21719)— Murdres, si est quant aucuns tue ou fet tuer autrui en agait apensé [avec préméditation] puis soleil couquant dusqu'à soleil levant (BEAUMANOIR XXX, 3)
XIVe s.— Et pour celui qui fait mal par aguet cuide bien que celui à qui il le fait souffre injuste (ORESME Eth. 159)— En la dite mellée qui estoit meue chaleureusement et sans aguet (DU CANGE aventurerius.)
XVe s.— Retraiez vous, regart mal avisé ; Vous cuidez bien que nulluy ne vous voie ; Certes, aguet par tous lieux vous convoye Privéement, en habit desguisé (CH. D'ORL. Rondel. 40)— Si se doit le prince contenir en telle maniere qu'on ne cuide mie qu'il vueille partir pour fuyr, mais qu'il vueille appareillier son agait [prendre position] (CHRIST. DE PISAN Charles V, II, ch. 33)— Le vaillant mareschal par son sens et par son aguet leur estoit sur le col avant que ils s'en donnassent de garde (Bouciq. I, ch. 23)— Et se mirent et establirent en trois aguets, afin que cils ne leur pussent mie eschapper (FROISS. I, I, 108)
XVIe s.— Il la fault tendre [l'âme] et roidir d'aguet [par une forte volonté] (MONT. II, 126)— Il fault au mariage des fondemens plus solides et plus constans, et y marcher d'aguet (MONT. III, 319)— À l'heure qu'il vit ce singe en aguet, il commença à se mettre ce tranchet contre la gorge (DESPER. Contes, XXI)— Le frere ores ne craint rien Que les aguets de son frere (YVER p. 526)— Il avoit mis aguets par les passages, pour surprendre lesdits seigneurs (M. DU BELL. 482)— Romulus a esté soupçonné d'avoir par aguet fait mourir Tatius (AMYOT Numa, 9)— Quoy faict, il se remeit in continent à poursuivre son ennemy à la trace, lequel lui dressa plusieurs aguets et embusches, mais jamais il ne donna dedans pas une (AMYOT Marcel. 40)— Il est plus vraysemblable que Ctesias ait sceu certainement le temps auquel elle executa son aguet et sa trahison (AMYOT Artax. 7)
ÉTYMOLOGIE
À et guet ; wallon awâd ; awât ; provenç. agach, aguag, aguait, agah, agaze ; cat. aguayt ; ital. agato, agguato.