définitions
avoir (v. trans.)
1.avoir (qqch) en tant que possession, propriété juridique "il possède trois maisons en Floride et plusieurs voitures"
2.avoir, dans un sens concret ou abstrait (ex. il a 1000€ à la banque, deux jolies cousines et une maîtrise de Harvard.) ; être qqch possédant un attribut, une partie (concret ou abstrait).
3.entrer en communication avec (qqn).
4.entrer en possession de qqch " comment avez-vous eu votre visa?"
5.donner naissance à (un enfant).
6.connaître (qqch) qui nous environne (ex. Nous avons passé de très bonnes vacances.)
7.posséder et utiliser " il a une voiture plus écologique"
8.passer par (états ou expériences mentaux ou physiques) (ex. avoir une idée ; avoir des vertiges ; avoir des nausées ; avoir des blessures ; avoir un sentiment.)
9.subir (des blessures, des maladies...) (ex. elle souffrit d'une fracture dans l'accident ; il a souffert d'un choc d'insuline après avoir mangé trois barres de bonbons ; elle a eu une ecchymose ; il a eu le bras cassé dans la bagarre.)
10.obtenir, gagner (des points) (ex. le golfeur Nicklaus a fait 70 ; l'équipe brésilienne a marqué 4 buts ; elle a marqué 29 points ce jour-là.)
11.penser, ressentir " il a des doutes à propos de qqch"
12.organiser (événement, fête etc.) "Nous donnerons une fête pour notre anniversaire de mariage." "donner un cours"
13.(familier)abuser (qqn) par une tromperie, un piège
"Nous avons trompé le professeur en lui faisant croire que le cours serait annulé la semaine prochaine"
14.(figuré)avoir des relations sexuelles avec (qqn) "Il avait pris cette femme quand elle était la plus vulnérable"
Le Littré (1880)
AVOIR [a-voi. Au XVIe s. on écrivait aurai, auras, etc. mais on prononçait, d'après Bèze, arai, aras, etc. Au XVIIe s. d'après Dangeau, ayant, ayons, ayez se prononçaient a-iant, a-ions, a-iez. Aujourd'hui, c'est une prononciation fautive : il faut dire éiant, é-ions, é-iez. à Paris le peuple prononce eü ou evu au lieu de u [eu] ; c'est un archaïsme sur lequel on débattait encore au XVIIe siècle ; la prononciation u est aujourd'hui la seule correcte]
1. Posséder un objet physique, posséder quelqu'un ou quelque chose dans un certain état. Il a une propriété patrimoniale sur notre commune. Il faut user de ce qu'on a. Avoir de la fortune. Avoir des alliés. N'avoir pas d'enfants. Il n'a pas d'argent. N'avoir rien. Il eut un père très illustre.
• Et de quelques bons yeux qu'on ait vanté Lyncée, Il en a de meilleurs (MALH. II, 12)
• Il a l'oreille rouge et le teint bien fleuri (MOL. Tart. II, 3)
• J'ai pour aïeul le père et le maître des Dieux (RACINE Phèdre, IV, 6)
• J'aurais à cette heure de quoi vous écrire un beau poulet (VOIT. Lett. 38)
Familièrement. Avoir de quoi, être dans l'aisance.
2. Porter, tenir. Avoir à la main une coupe, une boîte. Ayant un casque sur la tête. Il n'avait pas de canne en venant.
En termes de jeux, avoir la boule, le dé, etc. Être en tour de jouer ou être le premier à jouer.
3. Fig. Posséder une chose immatérielle, une qualité ; éprouver une sensation ou un sentiment ; être dans un état ; être âgé de ; être d'une dimension de. Qu'avez-vous ? c'est-à-dire quelle est votre émotion ? Avoir droit sur quelque chose. Avoir la paix. Avoir dans l'esprit. J'ai l'intention de. J'ai une opinion tout à fait opposée. Les hommes qui ont de la prudence. Ces gens ont coutume de. J'ai eu de la peine à me contenir. Avoir mal à la tête. Il avait vingt ans. Rue qui a 10 m. de large.
• Ces enfants.... Ayant Dieu dans leur coeur ne le purent louer (MALH. I, 4)
• Et, pourvu qu'il soit cru, nous n'avons maladie Qu'il ne sache guérir (MALH. II, 12)
• Mais serait-ce raison qu'une même folie N'eût pas même loyer (MALH. ib.)
• Tu as donc familiarité avec le prince d'Ithaque (MOL. la Princ. d'Él. III, 3)
• Le désir se fait mieux sentir parce qu'il a de l'agitation et du mouvement (BOSSUET le Tellier.)
• Qu'avez-vous donc, dit-il, que vous ne mangez point ? (BOILEAU Sat. III)
• J'ai beaucoup de plaisir à voir les choses que j'avais imaginées (VOIT. Lettr. 38)
• Ayant un empire absolu sur les esprits (BOILEAU Longin, Sublime, 32)
• Ah ! n'aie point pour moi si grande indifférence (MOL. l'Étour. II, 7)
• Je vous écris à la vue de la terre de Barbarie, et il n'y a entre elle et moi qu'un canal qui n'a pas plus que trois lieues de largeur, bien que ce soit l'Océan et la mer Méditerranée tout ensemble (VOIT. Lettr. 39)
• Le fer qui les tua [des enfants] leur donna cette grâce Que, si de faire bien ils n'eurent pas l'espace, Ils n'eurent pas le temps de faire mal aussi (MALH. I, 4)
• Quand j'avais de ma foi l'innocence première, Si la nuit de la mort m'eût privé de lumière, Je n'aurais pas la peur d'une éternelle nuit (MALH. ib.)
• Eh bien ! ne mangeons plus de chose ayant eu vie (LA FONT. Fab. X, 5)
• Ce qu'il y a eu en lui de plus éminent, c'est l'esprit qu'il avait sublime (LABRUY. 1)
• Trouvant que j'avais peu de latin, il entreprit de m'en enseigner davantage (J. J. ROUSS. Conf. III)
• Oui, monsieur, seulement pour vous faire peur, et vous ôter l'envie de nous faire courir toutes les nuits, comme vous aviez de coutume (MOL. Scap. II, 5)
• Que, depuis quarante-deux ans qu'il servait le roi, il avait la consolation de ne lui avoir jamais donné de conseil que selon sa conscience (BOSSUET le Tellier.)
Par analogie il se dit des choses. Cette ville a de beaux édifices. Cette maison a beaucoup de locataires.
• Ah ! sire, un tel honneur a trop d'excès pour moi (CORN. Hor. V, 2)
• Si tu l'aimes encor, ce sera ton supplice. - Je n'en murmure point, il a trop de justice (CORN. Cinna, V, 3)
• Lorsque l'obéissance a tant d'impiété, La révolte devient une nécessité (CORN. Rodog. III, 5)
• Seigneur, quand ce dessein aurait quelque justice (CORN. Nicom. V, 5)
• Ce projet qui pour vous est tout brillant de gloire, N'aurait-il rien pour moi d'une action trop noire ? (CORN. Sertor. III, 2)
• Un moment de sa perte a pour moi des supplices (CORN. ib. III, 4)
• Toutes les autres morts n'ont mérite ni marque ; Celle-ci porte seule un éclat radieux (MALH. II, 12)
• Les sceptres devant eux n'ont point de priviléges (MALH. ib.)
• À ce coup nos frayeurs n'auront plus de raison, Puisque par vos conseils la France est gouvernée (MALH. IV, 2)
4. Trouver, rencontrer. Nous avons des gens capables d'exécuter votre projet.
• En te perdant j'ai sur qui me venger (CORN. Rod. II)
• J'avais pour de tels coups certaine vieille en main (MOL. Éc. des f. III, 4)
• Et quand on a quelqu'un qu'on hait ou qui déplaît, Lui doit-on déclarer la chose comme elle est ? (MOL. Mis. I, 1)
5. Se procurer, acquérir, obtenir, gagner, acheter. Ce qu'on a pour de l'argent. On a quatre pommes pour dix sous. On ne peut rien avoir de cet ouvrier.
• La cabale s'est réveillée aux simples conjectures qu'ils ont pu avoir de la chose (MOL. 2e placet au roi.)
• Et que j'avais de quoi le connaître (PASC. dans COUSIN)
• Il a trouvé le moyen de faire avoir des bénéfices sans argent (PASC. Prov. 12)
6. Avoir à, suivi d'un infinitif, être chargé du soin de, être dans le cas de. Avoir une terre à cultiver. Il a de grands travaux à exécuter. Je n'ai absolument rien à vous écrire. Je n'ai rien à craindre. J'ai eu à choisir.
• Comme il y a toujours une grande différence entre les choses qui ont à être et celles qui sont en effet.... (VOIT. Lett. 124)
• Vous avez à combattre et les dieux et les hommes (RAC. Iphig. V, 3)
• J'ai votre fille ensemble et ma gloire à défendre (RAC. ib. IV, 7)
• Que je serais heureux si j'avais à le faire (RAC. Bérén. III, 1)
• Son pouvoir n'ayant plus à s'étendre plus loin, Il brise l'instrument dont il n'a plus besoin (ROTR. Bélis. V, 5)
• Il fut ensuite au sénat, et il demanda qu'on eût, par un sénatus-consulte, à dégager sa parole et à abolir toutes les dettes (VERTOT Révol. rom. liv. I)
• Le sénat lui ayant fait dire [à Mithridate] qu'il eût à retirer ses troupes de toutes ces provinces (VERTOT ib. liv. X, p. 33)
• On publia le décret du sénat qui ordonnait qu'on eût à les poursuivre aux dépens du public (VERTOT ib. liv. X, p. 45)
• Il nous fait remarquer que nous ayons à lui préparer les voies (MASS. Délai.)
N'avoir qu'à, n'avoir rien autre chose à faire que de. Vous n'avez qu'à lever les yeux. Vous n'avez qu'à dire un mot, et la chose sera faite.
7. Avoir de, tenir de, avoir reçu de. J'ai cette terre du chef de mon père. De qui avez-vous la nouvelle ?
8. Engendrer, créer. Il avait des enfants de ses deux femmes.
• Elle a un fils du roi (SÉV. 216)
9. Imiter, reproduire. Avoir les traits de quelqu'un. Elle n'avait d'une femme que le corps. Il a tout votre air. Avoir la couleur du minium.
10. Avoir pour, regarder comme.
• Avoir pour suspecte la vertu même (LA BRUY. 13)
• Et je vous supplierai d'avoir pour agréable Que je me fasse un peu grâce sur votre arrêt (MOL. Mis. I, 1)
• Eh bien, mes souverains, aurez-vous agréable Que, n'ayant pu la voir en sa fin lamentable, Nous la fassions au moins apporter devant nous ? (MAIRET Sophon. V, 7)
Avoir quelqu'un, quelque chose pour soi, l'avoir en sa faveur. Ils ont pour eux la justice. Elle a pour elle sa beauté.
• Il suffit que ta cause est la cause de Dieu, Et qu'avecque ton bras elle a, pour la défendre, Les soins de Richelieu (MALH. II, 12)
11. Avoir la parole dans une assemblée, avoir la permission de parler.
12. Avoir quelqu'un à dîner, lui donner à dîner. Il a eu beaucoup de monde à son bal.
Avoir quelqu'un avec soi, être avec quelqu'un, en être accompagné. Il avait un ami avec lui.
13. Avoir une femme, obtenir ses faveurs. C'est une expression libre et de mauvaise compagnie.
14. En avoir, gallicisme qui signifie être irrité contre, songer à.
• Je ne sais à qui il en avait (SÉV. 173)
• Je ne sais à qui en ont vos femmes avec leurs voeux (SÉV. 511)
• Je lui demandai à qui elle en avait de se vouloir ruiner (SÉV. 441)
• À qui en as-tu donc, ou si c'est aux anges que tu ris ? (HAMILT. Gramm. 2)
Vous en aurez, expression de menace, vous serez puni, maltraité.
En avoir dans l'aile, être atteint de quelque perte, de quelque accident grave.
15. Avoir, verbe auxiliaire dans la conjugaison. J'ai dit. Il avait ordonné. Je crois avoir entendu dire. Ce qui a été dit par vous. L'événement ne m'a pas trompé.
16. Avoir se prend impersonnellement avec le pronom y dans beaucoup de locutions. Il y a, il existe. Il y aura des vices tant qu'il y aura des hommes. Il y en a qui pensent.... Il y eut beaucoup de sang versé. Il y a de la honte à.... Il y a longtemps que.... Y a-t-il rien de plus indigne ? Pourvu qu'il y ait assez d'argent.
• Peut-il y avoir des doutes en une question si claire ? Il y aurait de la folie à douter d'une vérité si universellement reconnue (BOILEAU Longin, Sublime, 32)
• Il faut convenir que ces Juifs sont des hommes comme il n'y en a point (DIDER. Nouv. max. Phil. 25)
Il n'y a qu'à parler, c'est-à-dire il suffit de parler.
Il n'y a qu'à pleuvoir, c'est-à-dire la pluie peut survenir.
Familièrement.
• Ô vent donc, puisque vent y a, Viens dans les bras de notre belle (LA FONT. Fab. IX, 7)
• Madame, puisque madame y a (MOL. G. Dand. I, 4)
Tant y a, quoi qu'il en soit. Vous me vantez cet homme ; tant y a que je ne veux pas le voir.
• Tant y a qu'il n'est rien que votre chien ne prenne (RAC. Plaid. III, 3)
Y ayant, puisqu'il y a, comme il y a.
• N'y ayant qu'une vérité de chaque chose (DESC. Méth. 2)
• Rapsodie veut dire un amas de vers qu'on chantait, y ayant des gens qui gagnaient leur vie à les chanter (BOILEAU Réflexions crit. n° 2)
• C'est ainsi que tous les interprètes ont expliqué ces mots.... y en ayant même qui ont mis à la marge du texte grec.... (BOILEAU ib.)
• N'y ayant rien de si inconcevable (PASC. dans COUSIN)
17. S. m. terme de commerce. Avoir du poids, nom que les Anglais donnent à la livre de seize onces.
REMARQUE
1. Faut-il dire : il y eut cent hommes tués, ou bien, il y eut cent hommes de tués ? L'usage aujourd'hui est d'employer de quand le substantif est sous-entendu ou qu'il est remplacé par le pronom en, et de supprimer de quand le substantif précède l'adjectif ou le participe ; ainsi on dira : il y eut cent hommes tués, et deux cents de blessés.
2. Les ennemis que j'ai eus à combattre, et les ennemis que j'ai eu à combattre. Il y a entre les deux locutions une distinction qui, quelquefois à peine sensible, l'est d'autres fois assez pour qu'on veuille choisir. Dans le premier cas, j'ai eu des ennemis, et je les ai combattus ; dans le second, il m'a fallu combattre des ennemis.
3. C'est une faute très grosse de dire, à la troisième personne du subjonctif présent, au singulier : qu'il aie, au lieu de : qu'il ait. Vaugelas la signale ; et il n'est pas rare de l'entendre encore aujourd'hui.
4. Dans les prétérits surcomposés, lorsque le complément direct du verbe est placé devant lui, doit-on prendre la forme variable eu, eue, ou la forme invariable eu ? J'avais beaucoup d'affaires ; je suis parti quand je les ai eu terminées, ou eues terminées. Les deux manières peuvent certainement se défendre ; et le poëte pour éviter un hiatus ne devrait se faire aucun scrupule d'accorder eu. Mais il est plus naturel de ne le pas accorder, JULLIEN.
5. Je vous aurais parlé, si je vous eusse trouvé ou si je vous avais trouvé. Si ne prend la construction du subjonctif qu'avec les auxiliaires.
6. En poésie, aie est monosyllabe, et pour l'employer, il faut qu'il soit suivi d'une voyelle.— Mais dans le XVIIe siècle, on s'en servait devant une consonne, et on le faisait de deux syllabes : Que j'aie peine aussi d'en sortir par après (MOL. l'Étour. III, 5, 7) On observera que, bien que avoir soit un verbe actif, il n'a pas de passif ; on ne dit pas : ces choses ont été eues.
SYNONYME
AVOIR, POSSÉDER. Avoir est beaucoup plus général que posséder. On a de toutes les façons possibles, au lieu que posséder, c'est avoir, en exprimant précisément que l'on tient en sa main, en son pouvoir, la chose dont il s'agit.
HISTORIQUE
Xe s.— Bel [elle] avret [avait] corps, bellezour anima (Eulal.)— Qued avuisset de nos christus mercit (ib.)— Si cum il semper solt haveir (Fragm. de Valenc. p. 468)— E cum cil lo fisient, dunt ore aveist odit [ouï] (ib. p. 469)— Ne aiet niuls male voluntatem contra sem peer (ib. p. 469)— Aiest [ayez] charté inter vos (ib. p. 469)
XIe s.— Ce que il avereit pris (Lois de Guill. 6)— N'i ad castel qui devant lui remaigne (Ch. de Rol. I)— Ne n'ai tel gent qui la sue desrompe (ib. II)— Prudhom i out [il y eut en lui la qualité de prudhomme] pour son seignur aider (ib. III)— Ne nous aiuns les mals et les soufraites (ib. IV)— Li reis Marsile out son conseil finet (ib. V)— S'il veut ostages, il en aura, par veir [pour vrai] (ib. VI)— Tant i aurat de besans esmerez (ib. IX)— Mout [ils] ont oüd et peines et ahans (ib. XIX)— Car de ferir oi je si grant besoin (ib. CIV)— Il dist après : Paien, mal aies tu ! (ib. CXLIV)— Se je vif auques, mout grant prod [vous] i aurez (ib. CCLII)— Vostre conseil ai-je evud touz temps (ib. CCLVI)— Averum nous la victoire du champ ? (ib.)
XIIe s.— Cité [il] n'i a qui (Ronc. p. 1)— Qui France a à bailler (ib. p. 6)— Bien a set ans (ib. p. 10)— Illoc avoit [il y avait] un noble pugnaor (ib. p. 25)— Et vous, aiez vostre grant ost banie (ib. p. 28)— Et ses compeins qui oit [eut] nom Estramant (ib. p. 43)— [Tu] Qui en la croiz eüs ton cors pené (ib. p. 56)— En Margaric ot [il y eut] mout bon chevalier (ib. p. 63)— Nous n'avienz nul meillor chevalier (ib. p. 73)— Sonent li grailles [trompettes], quant que par l'ost en a (ib. p. 96)— Tant que Dex voille, du champ aienz [ayons] l'onor (ib. p. 108)— Quant l'emperere ot sa gent enterrée (ib. p. 156)— Que n'oi [je n'eus], talent de fuïr ne d'aler (ib. p. 185)— Hui vous aurai vaincu et recreant (ib. p. 188)— Si vous ait Jesus Christ, qui en croix se peina ! (ib. p. 192)— Car joie a courte durée, Qui avient par tel folor (Couci, I)— Se je vous aim, j'i assez ai raison (ib. II)— Mais quant j'aurai de vous haïr envie (ib. II)— Toute beautez qui sur autre resplent, Est mise en lui [elle], qu'il n'i a que mesprendre (ib. v)— Dame, nul mal que j'aie, [je] Ne tieng fors à legier ; Car sans vous [je] ne pourroie [pourrai] Vivre, ne je nel quier [demande] (ib. VIII)— S'onques amis ot joie pour aimer [en raison de son amour] (ib. X)— Mais or en aiez merci [merci vous soit faite], Et si vous soit pardonné (ib. XII)— Mort m'auriez à loi de traïtor (ib. XVI)— Onques vers lui [elle] [je] n'oi faus cuer ne volage (ib. XIX)— Tous les soulas qu'ai eüs en ma vie (ib. XXII)— S'onques nuls homs pour dure departie Ot cuer dolent, je l'aurai par raison (ib. XXIV)— Fausse estes, voir plus que pie ; Ne mais pour vous [Je] N'averai Ja ieux plorous (QUESNES Romancero, p. 89)— Mais [que] cil en ait l'onor, cui Dex voudra aidier (Sax. IV)— Guiteclins de Sassoigne, quand ce vint à son tans, De sa premiere fame ot deus vaslez enfans (ib. v)— Jamais [nous] n'aurons tel aise de nos hontes vengier (ib. VI)— Seignur, fait il as moines, car me laissez ester ; Vus n'avez ci que faire ; Deu en laissiez penser (Th. le mart. 147)— E quant li reis out enquis des nuveles de Urie, cumandad lui qu'il returnast à sa maisun, qu'il i out ses aises (Rois, 155)
XIIIe s.— À celui tans, avoit un empereour en Constantinoble qui avoit nom Sursac (VILLEH. XLII)— À Pepin [ils] orent guerre qu'avez oï conter (Berte, III)— Car il ne plut à Dieu qui tout a à garder (ib.)— Fille, ce dist la vieille, mout forment vous [j'] ai chere (ib. XII)— De ceste chose arez un petit à soufrir (ib. XIII)— Dont doi je prendre en gré, se j'ai froit et pouverte [pauvreté] (ib. XXXV)— Qui Rainfroy ot à nom (ib. XV)— Car je ai si grant faim que ne sai que penser (ib. XLIII)— [Vous] Voulez tuer vo [votre] fille ; trois jours a, ne dormi (ib. LXXXIX)— Ne fust Morans [n'était Morant], de cui j'en oi [eus] defendement [empêchement] (ib. XCV)— C'est bien drois que mains cuers grant joie en avera (ib. CXXII)— Pour l'amour qu'[il] ot à eus, ces armes [ce blason] [le roi] leur chargea [donna] (ib. CXXXI)— Et saciés de voir que il n'avoit que targier (Chr. de Rains, 225)— Li enfes ploroit de grant fain, Por ce que n'avoit que mengier (Ren. 20501)— Se porpensa que il feroit, Et comment à boivre averoit (ib. 6690)— Avez-vos, fet-il, plus que dire ? (ib. 8348)— Sire, fis je, grant talent é [j'ai grand désir] De faire vostre volenté (la Rose, 2225)— Car cil a moult poi de savoir (ib. 14056)— Car j'ai de mon pere congié De faire ami et d'estre amie (ib. 5846)— Appius ne pooit donter La pucele qui n'avoit cure Ne de li, ne de sa luxure (ib. 5621)— Pourquoi nel' faites-vous entendre, Savoir s'il i a que reprendre ? (ib. 5536)— Comment encore eschaper porent De tel peril, sans pis avoir, Ou d'ame, ou de cors ou d'avoir (ib. 4521)— Car le propre non lor pleüst, Qui accoustumé lor eüst (ib. 7174)— Il convenroit qu'il sivist les pleges, se pleges y avoit (BEAUMANOIR 58)— Et soi ofrir contre cex à qui il a à fere (BEAUMANOIR 61)— Noz ne lor avons pas soufert, el tans de nostre baillie, quant partie l'a volu debatre ; mais, quant partie ne l'a pas debatu, noz l'avons eu beau soufrir (BEAUMANOIR LXVI, 11)— Ceulx envoient sus les Sarrazins quant il veulent guerroier à eulz ; et les Sarrazins envoient sus les crestiens, quant il ont à faire à eulz (JOINV. 264)
XIVe s.— Et ceulx qui en telles choses se ont et se contiennent comme il convient et appartient (ORESME Eth. 92)— Nous, sur ce heut [eu] certaine information, avons retenu et retenons... (DU CANGE arramentum)— Sire, ce dit Bertran, vous parlez pour noient ; S'autre chose n'i a, ce me dittes : Va-t'-en (Guesclin. 13526)— Mais li bons cappitains lor dit : Laissiez ester ; J'arai de lor pourceaux, sans nous de riens grever (ib. 1214)
XVe s.— Et si [les Escots] n'ont que faire de chau dieres ne de chaudrons, car ils cuisent bien leurs chairs au cuir des bestes mesmes (FROISS. I, I, 34)— [Le roi voulait épargner ses gens et son artillerie] car il pensoit bien qu'il en auroit à faire (FROISS. I, I, 273)— Et s'il euist justement pensé.... (FROISS. III, IV, 28)— Quand ceux de la ville virent le peril et le dommage si apparent, ils eurent conseil qu'ils se rendroient, sauves leurs vies (FROISS. I, I, 20)— Et aussi il avoit bien cause qu'ils le festassent ; car ils ne l'avoient vu puis la bataille dessus dite (FROISS. I, I, 186)— Il ne nous vaut rien ici demourer ni tenir ; nous n'y ariemes jamais nulle bonne aventure (FROISS. II, III, 34)— Vous savez que je vous feis foy Pieça de tout ce que j'avoye, Et vous laissay en lieu de moy Le gaige que plus chier j'amoye (CH. D'ORL. Bal. 13)— Je ferai, maugré qu'il en ait, Encontre luy une aliance (CH. D'ORL. Bal. 22)— Et là ha continué à escripre, selon ce qu'on ha rapporté (JUVÉN. Charles VI, 1420)— .... luy vint messaige de par le roy, qui lui mandoit qu'il avoit en propos de faire certain voyage| (Bouciq. I, ch. 7)— L'empereur avoit ja fait tout son apprest, afin que n'y eust que à partir (ib. I, ch. 31)— Et alors le roy eut conseil avec ledit conte du Mayne (COMM. I, 3)— Il avoit congnoissance en la cité, à cause qu'il y avoit eu administration par les années qu'ils avoient esté en paix (COMM. II, 3)— Que s'il n'avoit debat par le dehors contre les grans, qu'il falloit qu'il l'eust avec ses serviteurs.... (COMM. III, 1)— Et eut lettres de la duchesse sa femme, que le roy Edouard n'estoit pas content (COMM. III, 7)— Dieu avoit et a ce royaulme en especialle recommandation (COMM. IV, 7)— Laquelle estoit veufve, long temps avoit (COMM. I, 2)— Et ne les avoit en nulle hayne pour les choses passées (COMM. I, 10)— Ilz commencerent à avoir division ensemble, quant ce fut à departir le butin (COMM. I, 15)— C'est peu de chose que de peuple, se il n'est conduyt par quelques chiefs qu'ilz ayent en reverence et en crainte (COMM. II, 13)— Après le sejour que eust le roy en ce village (COMM. V, 13)— Le plus grand edifice que commença, cent ans a, roy tant au chasteau qu'en la ville (COMM. VIII, 18)— Auquel lieu eut nouvelles ledit Ludovic, que son neveu le duc de Milan se mouroit (COMM. VII, 6)— Il me fit appeller, et eut en conseil, s'il bailleroit ce sauf conduit ou non (COMM. VIII, 9)— Et vindrent la pluspart malgré qu'on en eut (COMM. VIII, 10)
XVIe s.— Que nul vivant, sur peine de la hart, N'aye à piller la valleur d'un liard (J. MAROT V, 144)— Une isciatique, à laquelle j'estoys subject, plus de sept ans avoyt (RAB. Pant. II, 4)— Je crois qu'en vous n'a [il n'y a] point tant de rudesse (MAROT II, 326)— Long temps y ha que je vis en espoir, Et que rigueur ha dessus moi pouvoir (MAROT II, 345)— Mais il peut tout, et veut, et lui agrée, Qu'un fils sacré aye mere sacrée (MAROT II, 362)— Espece n'est de tribulation, Qui n'ait icy sa consolation (MAROT IV, 201)— Si tu n'as point pitié de moy, Ayes au moins pitié de toy (DU BELLAY VII, 37, recto.)— Avoir le dessus (MONT. I, 19)— Avoir où s'escrimer (MONT. I, 22)— Pour la peur qu'il avait eue (MONT. I, 22)— Ils feirent deffense que nul n'eust plus à aller là (MONT. I, 233)— Et tout ainsi que Dieu les a associez en la lignée, aussi a la loy (LA BOETIE 164)— Et luy fut enjoinct expressement de la part du peuple, qu'il eust à s'embarquer (AMYOT Alcib. 35)— Il se monstroit rebours à ceulx qui le cuidoient flatter, encore se roidissoit-il d'avantage contre ceulx qui le pensoient avoir par menaces (LA BOETIE Cat. d'Utiq. 1)— Razant nos champs, dites, a' vous [avez-vous] point veu Cette beauté qui tant me fait la guerre ? (RONS. 17)— Et sans sçavoir combien la muse apporte D'honneur aux siens, je l'avois à mespris (RONS. 53)
ÉTYMOLOGIE
Bourguign. aivoy ; provenç. aver ; espagn. haber ; portug. haver ; ital. avere ; du lat. habere. Comparez l'allemand haben, le gothique haban. Dans l'ancienne langue, on disait non pas il y a, mais simplement il a (illud habet), ce qui voulait le cas régime du substantif : il avoit un chastel, il y avait un château ; chastel est le cas régime : chastels ou chastaus serait le nominatif. Pourtant, l'adverbe y se montre dans cette locution dès le XIIIe siècle. La forme archaïque, sans y, s'est conservée dans le style marotique, au moins avec la négation : Entre Leclerc et son ami Coras, N'a pas longtemps, s'émurent grands débats, RAC., Épigr. Il y a lieu de remarquer avret dans un texte du Xe siècle ; c'est, étymologiquement, l'équivalent de habuerat, où l'u, comme dans ces formations, devint un v, habverat, avec l'accent par conséquent sur há. On s'était étonné que le plus-que-parfait latin n'eût laissé aucune trace dans les langues romanes, où en effet on ne le trouve pas ; mais ces textes du Xe siècle montrent qu'il a existé, bien que transitoirement.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
1. AVOIR. Ajoutez :
18. Terme de turf. Avoir un cheval, parier pour un cheval. Quand un pouleur demande : quel cheval avez-vous ? cela veut dire pour quel cheval pariez-vous ?
AVOIR (s. m.)[a-voir]
1. Tout ce qu'on possède, bien, fortune. Tout son avoir était chez ce banquier. Cette maison, cette terre est un bel avoir.
• Aurions-nous mieux employé la jeunesse, Vécu moins vite avec un riche avoir ? (BÉRANG. Bonsoir.)
2. Terme de commerce. La partie d'un compte où l'on porte les sommes dues. Doit et avoir, l'actif et le passif. Établir un compte par doit et avoir.
HISTORIQUE
XIe s.— Pour tout l'aveir qui soit en cest païs (Ch. de Rol. XXXIV)— Les douze pairs [il] a traït pour aveir (ib. CCLXXIII)
XIIe s.— Cumbatid s'en vers les Philistiens, si enchaçad lur avers [bêtes] ki durent porter la vitaille (Rois, 89)— Mout grant avoir [je] vous en faz aporter (Ronc. p. 32)— [Je] N'en donroie le desir Pour tout l'avoir dessouz ciel (Couci, XII)— Qui mestier a d'avoir, à son talent en prent (Sax. XII)— Seignur, fait-il à els, tut senz en plait entrer, Ne me deit pas mis sires acuinte demander : Car tut cest grant aveir que ci vus oi numer, En ses busoignes l'ai fait metre et aluer (Th. le mart. 43)— Tut saisi en sa main et terres, et mustiers, Et vif aveir et mort, blé, rentes et deniers (ib. 64)
XIIIe s.— Et li Franc commencierent à ocire les Grieus, et gaaignierent les avoirs de la vile, et pristrent tout (VILLEH. CLI)— Après commença à paier l'avoir que il devoit à ceus de l'ost (VILLEH. LXXXVIII)— Si come d'or et d'argent et de tous les fiers avoirs qui onques furent en terre trovés (VILLEH. CVII)— Se vos estes povres ne besoigneus, il vous donra volentiers de son avoir (VILLEH. LXVI)— Avoir et grans richesses [ils] orent tout à leur chois (Berte, LXI)— Après fu painte coveitise : C'est cele qui les gens atise De prendre et de noient donner, Et les grans avoirs aüner (la Rose, 172)— Il tolent et ravissent les avoirs dont li communs pueples se doit vivre (BEAUMANOIR 26)
XVe s.— Et y fut trouvé [à Audenarde] grand avoir qui estoit à François Acreman ; et me fut dit que il y avoit bien quinze mille francs (FROISS. II, II, 221)— Et disoient outre [les serfs Anglais révoltés] que ils vouloient savoir que les grands avoirs que on avoit levés parmi le royaume d'Angleterre, puis cinq ans, estoient devenus (FROISS. II, II, 111)— Ils se rendirent, sauf leurs corps, leurs membres et leur avoir (FROISS. I, I, 149)— Et par Dieu, il n'est nul avoir Qui vaille bon ami avoir (Mir. de Ste Genev)— Et ainsi ensuit les vaillans preux qui onques nul compte ne tindrent d'amasser avoirs (Bouciq. IV, ch. 7)
XVIe s.— Ilz n'avoient rien de plus cher en ce monde que la richesse et l'avoir (AMYOT Arist. 25)
ÉTYMOLOGIE
Avoir 1 ; norm. avers, les animaux domestiques ; provenç. et espagn. aver ; ital. avere. D'après Ménage, avoir, en la signification de biens, était un mot inusité. Depuis, ce mot est revenu tout à fait en usage.