définitions
poindre (v. trans.)
1.apparaître, devenir manifeste ; sortir de terre, en parlant des plantes.
2.(vieux)injecter du venin en parlant de certains insectes ou serpents munis de dards ou de crochets.
3.(figuré;littéraire)causer une douleur émotionnelle, comme en piquant ; blesser, offenser. "Sa remarque l'a piquée"
Le Littré (1880)
POINDRE (v. a.)[poin-dr']
1. Piquer.
Fig.
• Le regret du passé cruellement me point (RÉGNIER Plainte.)
• Et quand la faim les point (RÉGNIER Sat. II)
• Et moi chétif, de vos suivants le moindre, Combien de fois, las ! me suis-je vu poindre De traits pareils ! (J. B. ROUSS. Épît. à Marot.)
• Voir avorter tous ses projets de nom et de rang d'arrière-petit-fils de France, c'est ce qui la poignait dans le plus intime de l'âme [la duchesse d'Orléans] (SAINT-SIMON 262, 2)
Fig.
• Quel taon vous point ? (LA FONT. Gag.)
c'est-à-dire quelle mouche vous pique ? quelle fantaisie vous prend ?
2. V. n. Commencer à pousser comme une pointe.
• On voyait des violettes et des primevères ; les bourgeons des arbres commençaient à poindre (J. J. ROUSS. Confess. IX.)
Fig.
• De tous les maux on vit poindre l'engeance (BENSER. dans GIRAULT-DUVIVIER)
• On m'assure qu'elle [Mme de Coulanges] est très bien, et que les épigrammes recommencent à poindre (SÉV. 14 oct. 1676)
, se dit d'un jeune garçon à qui la barbe commence à venir.
3. Il se dit de la lumière qui commence à paraître.
• Le jour venant à poindre (LA FONT. Berc.)
• Il [le roi] demanda en s'habillant : le jour point-il déjà ? puis me fit l'honneur de s'adresser à moi, pour me demander s'il fallait dire point-il ou pointe-t-il ? (PELLISSON Lett. hist. t. I, p. 89, dans POUGENS)
• Y entrant à mesure que la lumière y poignait, et s'en éloignant à mesure que les ténèbres s'y reformaient (DIDEROT Opin. des anc. philos. (Platonisme).)
Fig.
• La spiritualité commence en l'homme, où la lumière de l'intelligence et de la réflexion commence à poindre (BOSSUET Conn. de Dieu, v, 13)
• Laissez former le corps jusqu'à ce que la raison commence à poindre : alors c'est le moment de la cultiver (J. J. ROUSS. Hél. V, 3)
REMARQUE
Fréd. Soulié, Mém. du Diable, t. I, p. 263, 1837, a dit : L'effroi avait poigné son coeur. C'est un barbarisme. Poignant vient de poindre ; il n'y a point de verbe poigner.
HISTORIQUE
XIe s.— As-vous poignant [piquant des éperons] Malprimes de Brigant (Ch. de Rol. LXIX)— [Il] Puint le cheval, laisse courre ad espleit (ib. CCLIX)
XIIe s.— Le scorpiun [ils] resemblent al chief e al partir, Qui vult [veut] derriere puindre e devant conjoïr (Th. le mart. 85)
XIIIe s.— Que erbelete poignent et pré sont reverdi (Berte, I)— Dont passent oultre pour leur poindre parfornir (H. DE VALENC. XXVI)— Et en orent à cel poindre li Englois le piour, Chr. des Rains, p. 76. Tout le monde par parole oignent, Mès lor losenges les gens poignent Par derriere dusques as os (la Rose, 1046)
XIVe s.— Il cuidoit un peu poindre et il a navré (ORESME Eth. 158)— Plus vault amy qui poinct que flatteur qui oingt (LE CHEV. DE LA TOUR, Instr. à ses filles, f° 46, dans LACURNE.)
XVe s.— Quand ceux de Calais qui s'appuyoient et estoient sur les murs, les virent premierement poindre et apparoir sur le mont de Sangattes (FROISS. I, I, 316)
XVIe s.— ...Mais le cas viendroit mieux à point, Si je disois : adieu jeunesse ; Car la barbe grise me poinct (MAROT II, 189)— Non que je sois ennuyé d'entreprendre D'avoir le fruit dont le desir me poinct (MAROT Épigr. de oui et nenny.)— Le matin si tost que le jour commencea à poindre, Fabius se meit à suivre son ennemy à la trace (AMYOT Fab. XVIII)— Ceste parole poignit Philippus au vif, et lui fit recognoistre sa faulte (AMYOT Alex. XV)— Douleur cuisante et poignante (PARÉ VI, 14)— Charité oingt, et peché poinct (COTGRAVE)— Qui contre esguillon recule deux fois se poind (COTGRAVE)
ÉTYMOLOGIE
Provenç. punger, ponjer, poigner ; cat. punyir ; espagn. pungir ; ital. pungere ; du lat. pungere.